samedi 10 mars 2012

Lettre Pastorale de Mgr Victor AGBANOU pour le Carême 2012



« Au nom du Christ...
laissez-vous
réconcilier avec Dieu »
(2Co 5,20b)





Au
clergé, aux personnes consacrées et aux fidèles laïcs
pour le Carême 2012
Introduction
1. Après la célébration du jubilé des 150 ans d’évangélisation de notre pays par la
Société des Misions Africaines de Lyon, voici que le Seigneur nous propose une
autre étape de rencontre avec Lui : le Carême de l’an de grâce 2012, temps
privilégié de prière et de partage avec nos frères et sœurs. C’est cette
période que je choisis pour enclencher le processus de réception et
d’appropriation de l’Exhortation post-synodale Africae Munus signée par sa Sainteté le Pape Benoît XVI lors de sa
visite dans notre pays au mois de novembre dernier. Par cette démarche,
j’entends vous convier, tous et chacun, à recueillir avec profonde reconnaissance
les précieux fruits de l’année jubilaire.

I. Quelques idées-forces de l’Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus
2. En remettant l’Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus :
l’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix, le Pape Benoît XVI assignait aux chrétiens d’Afrique et des îles adjacentes la mission d’être pour le monde signes
et ferments de réconciliation, de justice et de paix. Pour y parvenir, les Églises
particulières doivent définir des orientations et des lignes d’action concrètes
afin de transformer le document ainsi remis en projet pastoral. Le Pape écrit à
ce propos : « Le synode a permis de discerner les axes majeurs de la mission pour une Afrique désireuse de réconciliation, de justice et de paix. Il revient aux églises particulières de traduire ces axes en " fermes propos et en lignes d’action concrètes". » (Africae Munus cité désormais AM, n°14). Il s’agit donc pour nous de voir concrètement dans notre diocèse comment travailler à la réconciliation et à la justice pour qu’advienne la paix.
3. En lisant le texte, quatre réalités reviennent de façon récurrente comme vecteurs de
réconciliation, de justice et de paix. Il s’agit de : Jésus-Christ, Parole
de Dieu ; Eucharistie ; sacrement de réconciliation et témoignage. Nous
sommes appelés à vivre comme des témoins de la Parole de Dieu qui est le Christ
venu en notre monde, en vivant une spiritualité de communion dont le sommet est
l’Eucharistie à laquelle nous nous préparons par le sacrement de
réconciliation. Le Pape nous invite à ne pas être des témoins passifs, mais des
témoins actifs qui éclairent parce que illuminés par Jésus Christ, lumière
des nations qui nous envoie comme sel et lumière pour le monde. « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes lalumière du monde » (cf. AM 34).
4. La justice qui ne prend pas sa source dans la réconciliation par la « vérité
de l’amour » (Ep 4,15) demeure inachevée. Elle n’est pas une justice
authentique. Selon le document pontifical, la réconciliation établit la
communion à deux niveaux : d’une part la communion entre Dieu et les
hommes, et d’autre part la communion entre les hommes. Ainsi la réconciliation
est à la fois le dessein de Dieu de ramener à Lui par amour dans le Christ
l’humanité séparée et souillée par le péché à travers le pardon et la restauration des relations entre les hommes au moyen de la résolution des différends grâce à leur expérience de l’amour de Dieu (cf. AM 20). La réconciliation authentique implique le don et l’accueil du pardon et c’est elle qui engendre une paix durable. C’est en donnant et en accueillant le pardon que les mémoires blessées des personnes ou des communautés ont pu guérir et que des familles jadis divisées ont retrouvé l’harmonie. (cf. AM 21). Ainsi, nous sommes invités à vivre la justice du Christ pour créer un ordre juste dans la logique des béatitudes. Ceci nous conduit à unir l’amour de la justice et lajustice de l’amour (cf. AM25).
5. L’amour de la justice pratique la justice distributive qui donne à chacun son bien
propre, son dû. La justice de l’amour va jusqu’à faire passer en soi la
« malédiction » due aux humains pour qu’ils reçoivent en échange la
« bénédiction » qui est le don de Dieu (cf. Ga 3,13-14). Ici nous
sommes en face de la justice divine, celle qui offre à la justice humaine
toujours limitée et imparfaite, l’horizon vers lequel elle doit tendre pour
s’accomplir. Elle nous fait prendre conscience de notre propre indigence, de
l’exigence du pardon et de l’amitié de Dieu (cf. AM 25). Dans son rôle éducatif, l’Eglise à travers ses membres, les disciples du Christ, doit contribuer à former une société juste où tous
pourront participer activement avec leurs propres talents à la vie sociale et
économique. La paix authentique vient du Christ (cf. Jn 14,27). C’est la paix de l’humanité
réconciliée avec elle-même en Dieu et dont l’Église est le sacrement. Elle n’est pas le fruit de négociations ou d’accords diplomatiques fondés sur des intérêts (cf. AM 30).

II. 2012 : L’année de la réconciliation
6. Après cette brève présentation des trois thèmes de l’Exhortation post-synodale Africae Munus, il convient ici deprésenter plus amplement notre plan diocésain pour sa réception et son appropriation. Je voudrais que nous prenions suffisamment de temps pour pouvoir communiquer réellement aux autres la réconciliation, la justice et la paix puisqu’il ne
s’agit pas d’élaborer des spéculations ou des théories, mais de vivre en témoins.
Je propose que la réception et l’appropriation, pour aboutir à une célébration authentique,
s’étendent sur deux (2) années. La première année (Année 2012) sera consacrée à la réconciliation et la deuxième (Année 2013) à la justice. Cette répartition
tient au fait que c’est la famille de Dieu réconciliée qui pratique la justice et
vit en paix.
7. En reprenant le n°34 de l’Exhortation, j’insiste sur le sens de la réconciliation avant d’indiquer les niveaux où elle doit se faire : « La réconciliation n’est pas un acte isolé mais un long processus grâce auquel chacun se voit rétabli dans l’amour, un amour qui guérit par l’action de la Parole
de Dieu. Elle devient alors une manière de vivre, en même temps qu’une mission.
Pour réussir une véritable réconciliation, et mettre en œuvre une spiritualité
de communion par la réconciliation, l’Église a besoin de témoins qui soient
profondément enracinés dans le Christ, et qui se nourrissent de sa Parole et
des sacrements. Ainsi, tendus vers la sainteté, ces témoins sont capables de
s’investir dans l’œuvre de communion de la famille de Dieu en communiquant au
monde, au besoin jusqu’au martyre, l’esprit de réconciliation, de justice et de
paix, à l’exemple du Christ ». La réconciliation est un processus long
à échelonner sur plusieurs étapes. c’est pourquoi nous disons qu’elle se fera à
plusieurs niveaux, mais sans cloisons étanches entre ces niveaux. Cependant il
y a un effort spécifique à faire à chaque niveau pour retrouver la paix
véritable.

a) Réconciliation avec soi et réconciliation avec Dieu
8. Il s’agit d’abord de faire la vérité avec soi-même, de faire la vérité sur notre être pour apprécier la nature de sa relation avec Dieu et avec les autres. Nous pouvons faire nôtre la
préoccupation des Pères synodaux à savoir : « comment mettre dans le cœur des africains, disciples du Christ la volonté de s’engager effectivement à vivre l’Évangile dans leur vie et dans la
société ? ». Nous devons ainsi, chacun pour sa part, nous poser
des questions de fond sur le vécu de l’Évangile dans notre vie. Il s’agit d’une
tâche urgente à accomplir en vue d’une conversion continue vers le Père, source
de toute vraie vie. Cette réconciliation avec soi-même est un appel à la métanoia, à un changement de mentalité en vue du retour vers Dieu, notre Père. Cela nous permettra de vivre
sincèrement le sacrement de réconciliation comme lieu où nous découvrons
réellement notre besoin de pardon et qui nous réintroduit dans l’amitié de Dieu
que nous avons perdue par le péché. Cette première étape reste la clef de toute
réconciliation vraie, car c’est réconciliés avec nous-mêmes et avec Dieu que
nous pourrons nous réconcilier avec les hommes, nos frères et sœurs.

b) Réconciliationavec nos frères et sœurs.
9. Réconciliés avec Dieu Source du pardon, nous sommes
plus disposés à accorder le pardon demandé par notre frère ou notre sœur ou à aller
vers l’un ou l’autre pour lui demander pardon. Car c’est à travers le don et
l’accueil du pardon que se trouve la réconciliation entre deux ou plusieurs
personnes. Le travail à ce niveau consistera d’abord à identifier les conflits
et les lieux de ces conflits, à initier des démarches personnelles de demande et
d’accueil de pardon. Ces démarches doivent s’effectuer de personne à personne,
de groupe à groupe, entre stations de la même paroisse, entre paroisses et au
besoin entre villages, etc. Les conférences de carême aideront à identifier les
conflits et les dialogues à entreprendre pour les résoudre. Je souhaite que ces
conférences soient de véritables rencontres pédagogiques pour aider les
chrétiens et tout homme de bonne volonté à trouver des voies nécessaires vers
la réconciliation.

c) Réconciliationavec l’Église
10. On pourrait bien penser, non sans
raison, que la réconciliation avec soi, avec Dieu et avec les hommes comprend
d’une certaine façon la réconciliation dans l’Église et par conséquent la réconciliation
avec l’Église. Je voudrais cependant insister sur cette vérité que chaque fois que
nous offensons Dieu ou nos frères et sœurs, nous offensons aussi l’Eglise qui
est le Corps du Christ et nous péchons contre la vie de communion. Il est donc
nécessaire pour chacun de se réconcilier avec l’Église en examinant sa vie et surtout
ses contre-témoignages qui ternissent l’image de l’Église ; en pensant à
régulariser sa situation qui de fait le met en dehors de la pleine communion ;
en s’engageant davantage dans la vie et la mission de l’Église. Ainsi
réconciliés avec l’Église, le Cœur de l’Églisebattra dans nos cœurs pour nous permettre de sentir, de vivre pleinementavec elle.

d) Réconciliation avec la création
11. Il me paraît important et nécessaire d’attirer notre attention sur le besoin de nous réconcilier aussi avec la création tout entière, vu le mépris avec lequel les autres créatures sont
traitées par les hommes. Il n’est pas superflu de rappeler que c’est à l’homme que
Dieu a confié les autres créatures non pour qu’il les exploite abusivement mais
pour qu’il les soumette en toute responsabilité (cf. Gn 1,28). Nous devons nous
souvenir sans cesse de cette mission première et savoir que le maintien de
l’écosystème est un devoir vis-à-vis du créateur (cf. AM 79 et 80)
e) Quelquespropositions d’action concrètes
12. Ces différentes étapes exigent de
nous amour et vérité, don et accueil du pardon dans l’humilité. C’est après
tout ce travail, ces différentes démarches de réconciliation que nous pourrons
envisager des célébrations à divers niveaux : entre individus, en famille,
entre familles, entre communautés, au niveau des paroisses et du diocèse, etc. Ainsi
ces célébrations ne seront pas considérées comme des rites de plus, mais des
actions de grâce à Dieu en Jésus Christ qui nous a vraiment réconciliés avec
Lui et avec nos frères et sœurs.
13. Le sommet de toute réconciliation chrétienne, c’est l’Eucharistie à laquelle nous nous préparons soigneusement par le sacrement de la réconciliation. C’est pourquoi ceux qui ne fréquentent pas les sacrements ne doivent pas se complaire dans des rites pénitentiels
communautaires ou autres démarches de réconciliation, mais doivent les
considérer comme une préparation, une étape pour les amener un jour à la
réconciliation avec le Seigneur dans le sacrement. Car une fois encore je le
redis, c’est réconciliés avec Dieu que nous pourrons nous réconcilier avec les
autres. Et c’est l’Eucharistie qui nous maintient dans la communion retrouvée. J’encourage
donc les pasteurs à être des fers de lance de cette réconciliation sur leur
paroisse, à initier des démarches à l’endroit des fidèles qui, pour diverses
raisons, n’ont plus la pleine communion avec l’Église afin de susciter en eux
le désir sincère de revenir à Dieu et à l’Église et à les accompagner sur ce
chemin.
14. J’invite les uns et les autres à poursuivre la réflexion dont cette lettre n’est que l’esquisse en se posant parexemple quelques questions fondamentales :
· Pour moi, que signifie concrètement la réconciliation et quel est mon rapport actuel avec le sacrement de la réconciliation ?
· Quelle est la place de l’Évangile dans ma vie pour accomplir une metanoia,
un véritable changement de mentalité et pour me réconcilier avec Dieu?
· Quelles actions concrètes puis-je mener pour qu’advienne la réconciliation dans nos familles, dans nos associations ou groupes, dans nos communautés sacerdotales ou religieuses, dans nos diversesinstitutions paroissiales ?

III. En route vers Pâques 2012
15. Je voudrais terminer cette lettre par quelques
rappels concernant le Carême, véritable temps de conversion et de renouveau
intérieur. Le Mercredi des Cendres et le Vendredi Saint sont jours de
jeûne et d’abstinence. Tout au long des quarante (40) jours de Carême et
spécialement les vendredis, tous ceux qui ont entre 14 et 60 ans sont invités à
l’abstinence qui est la privation volontaire de plaisirs de cette terre en vue
de la maitrise de notre corps pour nous élever en Dieu, pour nous attacher à ce
qui nous unit au Seigneur ainsi qu’à nos frères et sœurs avec lesquels nous
sommes invités au partage. Nous ferons surtout l’effort de :
· lire ou écouter la parole de Dieu pour
la mettre en pratique. Ce partage de la Parole peut se faire soit en groupe, soit
en famille, soit en communauté ou en associations.
· recourir souvent au sacrement de la réconciliation
· nous réconcilier avec Dieu ainsi qu’avec
nos frères et sœurs avec un accent particulier sur la réconciliation au sein de
nos familles et de nos communautés.

. participer à l’Eucharistie aussi bien le dimanche qu’en semaine
· participer avec foi au chemin de croix et aux autres exercices de piété
partager notre avoir avec celui qui en a moins consacrer du temps à l’évangélisation
consacrer du temps à notre propre formation et surtout à notre formation religieuse.
Ces axes peuvent servir de repères pour notre marche vers Pâques, à la rencontre du Ressuscité par qui Dieu a voulu se réconcilier tous les êtres au ciel et sur la terre (cf. Col1,20).
En guise de conclusion,
16. Le carême de l’an de grâce 2012 est le premier après le jubilé des 150 ans d’évangélisation de notre pays et la remise de l’Exhortation apostolique post-synodale Africae Munus. La grâce du jubilé ne meurt jamais. Ouvrons nos cœurs à l’Esprit pour qu’il continue de nous aider à construire de façon responsable l’Eglise-Famille de Dieu qui est dans le diocèse de LOKOSSA. Que ce temps d’approfondissement spirituel nous enracine davantage dans la communion
avec Dieu et avec nos frères et sœurs dans un esprit de réconciliation, de
justice et de paix. C’est la grâce que je vous souhaite tout au long de ce
carême et des deux années à venir. Avec mes prières et ma bénédiction apostolique.
Donné à Lokossale 21 février 2012
en la fête deSaint Pierre Damien

+ Victor AGBANOU
Évêque de Lokossa

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